Archive pour avril 2008

Le café

Vendredi 25 avril 2008

En parcourant l’amérique du sud on s’est rendu compte que les habitudes en matière de café ne sont pas partout les mêmes, mais que contrairement à ce qu’on pensait il était difficile de trouver un bon café. L’image du producteur de café qui descend de la montagne avec sa mule chargée de grains en a pris un coup. Lire le reste de cet article »

Le monde est petit

Lundi 21 avril 2008

On a croisé Dorian, un vieux pote de fac, dans la rue à buenos aires. C’était aussi l’occasion de rencontrer sa pitite famille.

La dernière fois j’avais croisé un vieux pote de lycée à saint louis du sénégal. J’imagine que la prochaine fois ce sera un vieux pote de boulot.

La carte

Vendredi 18 avril 2008

Vous êtes plusieurs à essayer de nous suivre sur une carte. Sur une idée originale de François voilà donc une carte en ligne que je vais essayer de mettre à jour au fur et à mesure du voyage.

Pour l’instant je ne marque que les villes où on s’arrette vraiment et je marque les trajets en bus avec des lignes droites. Peut être que plus tard j’ajouterai les parcs nationaux visités et les autres ballades, mais rien n’est moins sûr.

Chaque élément de la carte est cliquable, tout n’est pas commenté, je complèterai quand j’y penserai.

Comme ça peut être un bon moyen pour nous suivre sans forcément lire toute ma prose je met un lien direct dans le menu à droite pour y accéder rapidement.

N’hésitez pas à faire des suggestions si vous avez des idées d’amélioration.

Le bingo

Vendredi 18 avril 2008

Quand on était au chili, sur la ligne santiago-puerto montt, entre un flim et un repas l’hôtesse nous a fait le coup du bingo. Pour moi c’était une expérience nouvelle, j’avais joué plusieurs fois au loto étant gamin, mais jamais au bingo. Emilie c’était le contraire, du coup elle partait avec un avantage non négligeable sur moi. En fait je me suis très vite rendu compte qu’il s’agissait du même jeu. Et comme on était dans un bus les grains de maïs étaient remplacés par une innovation bouleversant la monotonie de ce jeu. Les cartons étaient préperforés de manière à former une petite languette dans chaque case. Pour marquer un numéro on n’avait plus qu’à replier la languette de la case correspondante et le tour était joué. Au bout d’un quart d’heure une petite mamie crie bingo, toute joyeuse d’avoir gagné un aller-retour en bus pour santiago. De mon côté j’étais bien content de ne pas avoir rempli mon carton, de peur d’avoir mal compris les numéros annoncés et donc de me voir débouter de la place de gagnant.

Cette fois-ci on est en argentine, entre puerto madryn et buenos aires. On vient de regarder un flim en russe sur la guerre d’afghanistan de la fin des années quatre-vingt suivi de la chute en allemand. Et c’est dans cette ambiace joyeuse que le stewart nous ditribue des cartons de bingo. On a droit à un petit poinçon en plastique pour marquer les cases, ça me rappelle le code. Et on commence à jouer. Je dois bien avoir poinçonné quatre cases sur seize quand je m’aperçois qu’à côté il n’en manque plus qu’une à Emilie pour faire carton plein. Trois numéros plus tard le soixante et onze sort et elle lance un timide bingo. Après vérification le stewart demande un applaudissement général pour Emilia et ce n’est pas vraiment l’euphorie dans le bus. Il rajoute quelques mots qu’on ne comprend pas. Et cinq minutes plus tard Emilie se retrouve en possession d’un magnifique jeu de cartes. Ca tombe bien, depuis le début du voyage elle en cherche un pour pouvoir jouer quand on a des attentes un peu longues entre deux bus. Manque de chance, après vérification il s’agit d’un jeu de cinquante cartes. Il y a douze cartes de chaque couleur: le baton, l’épée, la coupe et la pièce. Plus deux jokers.

Le saut du Guanaco

Vendredi 18 avril 2008

L’herbe était pourtant plus verte de l’autre côté de la clôture. C’est ce qui avait attiré le troupeau. Ca faisait un moment qu’ils paturaient au même endroit. Et avec les moutons qui étaient passés par là, il ne restait plus grand chose pour se nourrir. Alors qu’à côté il y avait de quoi. Non pas une herbe grasse comme il en pousse parfois au bord des ruisseaux. Mais quand même de belles touffes éparses ondulant dans le vent. Ca donnait plus envie que les quelques moignons grignotés jusqu’à raz de terre qui subsistaient encore autour d’eux. Les premiers n’avaient pas hésité longtemps. Prenant quelques mètres d’élan ils étaient passés, un par un. Dans un bond surdimensionné ils avaient franchi le fil tendu entre les piquets. C’est de ces images que l’on fait les cartes postales.

Presque la moitié du troupeau est maintenant de l’autre côté. Le Guanaco hésite un peu. Il cherche un passage plus facile. Un endroit où le barbelé serait un peu moins tendu et les piquets plus enfoncés. Le terrain est légèrement en pente, à son désavantage. Le vent de trois quart ne va pas lui faciliter la tâche non plus. Autour de lui ils sont encore deux de plus à avoir fait le bond. Il faut qu’il se décide. Il tourne encore un peu sur lui même. L’endroit est choisi. Il fixe le fil, recule encore un peu et s’élance. Trois petites foulées l’amènent au pied du mur. L’appui n’est pas des meilleurs. Le sol est trop friable par ici. A l’instant où ses antérieurs décolent, une bourrasque le fauche dans son élan. Sur le point de perdre son équilibre il donne un coup de rein désespéré. Ses postérieurs dérapent légèrement, envoyant voler derrière lui quelques gravillons arrachés à la terre. Le saut est un peu bas, mais le corps est passé par dessus la clôture. Ce sont ses postérieurs qui reviennent trop vite. Les cuisses viennent se planter dans le barbelé, le stoppant dans son vol. Son poids le ramène vers le sol. Les griffes du barbelé lui lacèrent les jambes avant de venir se planter dans sa panse. Là où le poil est ras, le cuir fin et la chair tendre.

Le hurlement de douleur attire l’attention de tout le troupeau. Certains surpris ont un sursaut de panique. Le Guanaco aussi est affolé. Il rue des deux postérieurs pour tenter de leur faire passer la clôture. Mais sans appui il ne réussit qu’à pédaler dans le vide. Chaque mouvement lui déchire un peu plus profondément le ventre. Rapidement il se calme un peu. Le sang lui descend à la tête. Il réussit à se relever sur ses antérieurs. La position est un peu plus naturelle, même si son arrière train est plus haut qu’à l’accoutumée. Ses cris de peur font maintenant place à des gémissements de pleinte. Un autre sort du groupe et s’approche. Dans son impuissance face à la situation il ne peut qu’apporter le réconfort de sa présence. Mais trop vite le troupeau devient indifférent. Il se remet à paitre et s’éloigne petit à petit vers le nord. Une moitié de chaque côté de la clôture. Aucun n’a voulu essayer de la franchir à nouveau ici. Peut être que plus tard ils recommenceront à sauter par dessus. Pour le moment ils sont condamnés à la longer s’ils ne veulent pas se séparer. Le Guanaco se retrouve seul. Suspendu au barbelé il fatigue. Les heures passent. La soif et la faim le tenaillent. Il a brouté les rares herbes à sa portée. Ses antérieurs le portent de plus en plus difficilement.

La nuit approche doucement. Le crépuscule embrase le ciel avant de laisser disparaître les dernières braises au dessus de l’horizon. Et le vent devient glacial. Il souffle toujours aussi fort. Le Guanaco sent le froid l’engourdir un peu plus. Il ne peut pas s’accroupir sur le sol pour protéger son ventre où la laine se fait moins épaisse. Et puis c’est la crampe. Il retombe à nouveau en avant. Les quelques soubressauts de ses antérieurs ne lui permettent plus de se relever. Doucement tout ses sens s’affaiblissent et il n’a plus la force de lutter.

Au petit matin il ne reste plus qu’une couverture de laine étendue au barbelé comme sur un fil à linge. Pas de quoi faire une carte postale.

Torres del paine (4/3)

Lundi 14 avril 2008

L’arrivée du catamaran pour nous amener au bus est un peu une libération, au moins l’assurance de se rapprocher encore un peu plus de l’hôtel où nous attend un bon feu de cheminée et un lit à la fois chaud et confortable. Après les différents arrêts règlementaires comme à l’aller, on somnole à moitié dans le bus qui a rejoint la route asphaltée une dizaine de kilomètres avant la ville.

Quand tout à coup, le bus penche dans un gros grondement, un peu comme si on roulait sur le bas côté. On a à peine le temps de se réveiller suffisament pour se rendre compte que le bus est encore sur la route que l’on apperçoit sa roue qui nous double en rebondissant joyeusement dans la steppe. C’est exactement comme dans un flim, ni plus ni moins. Le bus s’arrette rapidement sans freinage brusque ni embardée. Même si tout le monde est joyeux d’avoir vécu cet événement totalement insolite sans plus de dommage, on voit bien à la tête du conducteur que c’est aussi son gagne pain qui vient de perdre une roue. Moi je suis encore un peu endormi, et je regarde passer le vol silencieux de quelques oies sauvages qui ont entamé leur migration hivernale vers l’est.

Il ne nous faudra pas plus d’une demi heure pour changer de bus et arriver à l’hôtel. La propriétaire nous explique que l’entrée du parc est fermée pour les deux prochain jours et qu’à cinquante kilomètres de là, de l’autre côté de la frontière il est tombé trente centimètres de neige alors qu’en temps normal elle n’arrive pas avant le mois prochain. La ville se retrouve un peu bloquée, il n’y a plus de téléphone ni de connexion internet et on va en profiter pour prendre quelques jours de repos bien mérités.

Torres del paine (3/3)

Lundi 14 avril 2008

Le quatrième jour on part sans trop savoir jusqu’où on ira. L’objectif initial est de rejoindre un premier campement au pied de la vallée du français pour y déjeuner et de là choisir si on monte la tente pour faire un aller-retour sans les sacs dans l’après midi, ou si au contraire on continue chargés comme des mules jusqu’en haut de la dite vallée.
La matinée est agréable, quelques rayons de soleil nous réchauffent par moment et le chemin est relativement abrité quand nous n’avons pas le vent dans le dos, même si nous pouvons voir ce dernier dessiner des arabesques à la surface d’un petit lac en contrebas comme il pourrait le faire dans un champ de blé. On croise quelques oiseaux et un guanaco isolé qui broute tranquillement au bord du lac. Le sentier est indiqué sur les cartes comme étant facile, et il est tellement aménagé que quand on ne marche pas dans le gravier c’est parce qu’on est sur un ponton en bois. Le clou étant un pont suspendu qui enjambe un torrent de montagne. Et c’est justement dans le balancement au dessus de l’eau que l’on relève la tête et qu’on la voit là haut. La première idée qui me vient à l’esprit c’est que je comprend instinctivement le dessin de Jirô Taniguchi. Toutes ces façades de roche lézardées de neige et de glace que l’on peut voir dans ses ouvrages racontant des histoires d’alpinistes sont l’exacte représentation de ce que j’ai devant les yeux.
Mais pour l’instant il fait faim et on est arrivés. On prend le temps de manger un morceau et de se faire une mauvaise impression du lieu. Les derniers campeurs qui rangent leurs affaires ont des sacs rongés par les souris, le torrent passe à côté, on entend son grondement sourd et on ressent le froid qu’il apporte avec lui. C’est ce qui va nous décider, il nous faut bouger avant d’avoir trop froid et on n’a aucune envie de monter la tente dans ce nid de rongeurs.
La montée s’annonce rude, on commence par un pierrier parcouru de ruisseaux et de chemins dont les plus empruntés ne sont pas balisés. La pente est raide, mais face à nous la haute montagne et son glacier sont de plus en plus beaux, balayés par les vents qui charrient de la poussière de glace. De temps en temps ce que nous prenions pour des coups de tonnerre nous fait relever le nez du sentier et on s’arrette un instant pour admirer un bloc de glace qui se détache du glacier pour dégringoler en une avalanche au ralenti le long de la roche noire. C’est cette lenteur qui nous fait prendre conscience de l’échelle du lieu. Le sommet qui se cache dans les nuages est à près de deux mille cinq cent mètres au dessus de nos têtes et quand une avalanche se déclenche elle dévale presque un kilomètre à la verticale sous nos yeux ébahis.
Mais là haut le temps ne s’améliore pas et je veux arriver avant la nuit. On limite le nombre de pauses pour grimper plus vite dans la forêt qui surplombe le pierrier. Les arbres nous abritent un peu plus mais le sentier dont la pente s’est globalement adoucie fait plein de cabrioles pour traverser tous les ruisseaux qui ici encore coulent sans arrêt. Le cheminement en est presque plus fatiguant qu’au début et comme la forêt nous cache la montagne il est plus monotone. La pluie vient se joindre à nous au moment où on débarque sur une coulée de pierres sans doute charriée là par quelque avalanche, à moins que le petit ruisseau qui l’accompagne ne soit capable de se transformer en véritable torrent. En tout cas l’absence d’arbres nous confirme qu’on a bien fait de monter si haut, on est à l’entrée d’un cirque majestueux au milieu de tours qui passent pour des géants et de sommets aux architectures variées coiffés de nuages ou de glaciers. On se replonge vite dans la forêt, il nous reste une dernière pente à gravir pour l’heure qui vient, ce qui devrait nous permettre d’arriver juste avant que la clartée du jour ne disparaisse. J’aperçois dans les arbres une bâche bleue et je préviens Emilie avant qu’elle ne la distingue qu’il ne faut pas se faire de fausse joie, on est encore loin d’arriver. Pour une fois pourtant, la mauvaise qualité de la carte joue en notre faveur et il s’agit bien du campement, presque deux cent mètres plus bas que prévu.
On peut prendre notre temps pour planter la tente et manger à l’abris de la bâche en compagnie des deux autres personnes ayant eu le courage de monter ici: Yutaka, un aimable japonais et un new yorkais un peu moins sociable. Alors qu’on termine de manger deux randonneurs supplémentaires arrivent sous la pluie et dans la nuit, ils vont directement monter leur tente et on se couche avant qu’ils n’aient terminé.
Il est huit heure et demi, on est dans nos duvets, exténués. Une heure plus tard Emilie me réveille, elle a trop froid pour dormir. C’était la consigne, elle est plus sensible au froid que moi et même s’il ne m’empêche pas de tomber dans les bras de morphée, assomé par la fatigue de la montée, elle ne peut pas se permettre de passer une nuit blanche à greloter. Ca me fait presque plaisir, j’ai des couvertures de survies qui doivent être dans le fond de mon sac depuis une dizaine d’années et c’est l’occasion de les utiliser pour autre chose que des glissades dans la neige. En moins de cinq minutes Emilie est bien au chaud et on peut réattaquer cette nuit de repos.
Dans mon sommeil je crois reconnaître un bruit, je tend l’oreille, entre rêve et réalité je le reconnais à nouveau. C’est le cri caractéristique de la souris qui appelle ses copines parce qu’elle vient de découvrir une réserve de nourriture qui devrait leur permettre de passer une bonne partie de l’hivers. Le problème c’est que la nourriture en question c’est la notre, entreposée à nos pieds dans les sacs à dos. Pour la première fois depuis le début de la randonnée on a oublié de mettre toutes nos provisions dans le petit filet au plafond. Je rallume la lumière et elles sont déjà deux à se rassasier, elles ont fait quatres petits trous dans la toile de la tente. Pour les souris en camping la solution est simple, il faut tout suspendre dans un arbre, et s’il n’y en a pas il faut en faire pousser un. On a la chance d’être au milieu d’une forêt et je prépare un grand sac que je ferme avec une cordelette et je sors.
C’est la plus grosse surprise, dehors tout est blanc. Il y a deux à trois centimètres de neige sur la tente. Pas étonnant qu’Emilie ait eu froid, en plus le vent souffle vraiment fort. Après avoir attaché le sac à une branche et raclé toute la neige qui commençait à geler sur la tente, je me recouche en espérant qu’il ne faudra pas se relever dans la nuit pour déblayer à nouveau et que le vent ne fera pas tomber le sac avec toutes nos provisions. Mais au fond de moi je suis content comme un gosse, il neige et maintenant qu’Emilie a chaud ça restera une expérience inoubliable qui compense largement les difficultées endurées.
Au petit matin la pluie a remplacé la neige, commençant à faire fondre le manteau blanc qui couvre le sol. On distingue bien l’emplacement vide de la tente des deux randonneurs arrivés hier sous la pluie. Pour eux la nuit a été trop dure et ils sont déjà redescendus. On prend notre petit déjeuner à l’abri de la bâche, elle nous protège du vent et de la pluie mais pas du froid qui lui commence son long travail de sape. Les conditions ne s’améliorent pas et il faut bien partir si on ne veut pas geler sur place. En descente avec le vent dans le dos, le chemin ne s’annonce pas trop dur, l’inconvénient c’est que nous ne sommes pas les seuls à aller par là. Toute la pluie qui tombe du ciel doit bien passer quelque part pour rejoindre la rivière, et notre sentier lui plait bien. Si au début on est surtout sensible aux ondées, ce ne sont que les premières feintes de l’eau qui préparent les attaques du froid. Au bout de dix minutes mes gants sont trempés. Quand le chemin se transforme en ruisseau je suis mouillé des chaussettes au caleçon et quand dans le pierrier il devient presque un torrent on est obligés de jouer les équilibristes entre les différents sentiers alternatifs. Les morsures du froid sont présentes depuis un bon moment, je sens ses crocs sur mes cuisses et le gel brule mes doigts. Emilie s’en sort un peu mieux, avec seulement les pieds et les mains de mouillés elle a moins froid. Dans ces conditions il est hors de question de faire des pauses pour autre chose que boire un peu de thé brulant qu’on a emporté avec nous, et encore, pas plus de deux minutes et seulement dans des endroits abrités.
Quelle déception en arrivant au campement en bas de la vallée, l’abri où nous pensions nous mettre au sec est bondé et le sol est couvert de boue. Impossible de se changer ici, et même si on trouvait une planche ou un rondin pour pouvoir se mettre pied nu sans marcher par terre, à quoi bon? On s’arrette quand même une demi heure, le temps de cuire des pates pour se remplir l’estomac tout en se réchauffant.
On repart, cette fois ci ça va être un peu plus de deux heures de marche forcée sans vraiment s’arrêter pour pouvoir atteindre le campement principal, celui où nous attendent une bonne douche chaude et une cuisine à l’abri. Encore une nuit sous la tente, la même erreur de laisser de la nourriture au niveau du sol et donc de se faire réveiller par les souris dans la nuit. Au lever du jour on plie toutes nos affaires pour aller attendre midi dans la cuisine, les chaussettes doublées de sac plastique ou de couverture de survie et en buvant du thé bien chaud.

Torres del paine (2/3)

Samedi 12 avril 2008

Enfin bon, maintenant qu’on est là on ne va pas repartir tout de suite. On met le sac sur le dos et on prend le chemin bien balisé avec des gros piquets oranges tous les cinquantes mètres, même si pour se perdre sur ce chemin creusé dans la prairie et rempli de gravier il faudrait le faire exprès. D’autant plus que comme on est tous arrivés avec le même bus on a beau partir tour à tour on se retrouve quand même avec un groupe à cent mètres devant et un autre aussi proche derrière.

Très vite la solution s’impose d’elle même, on fait une bonne grosse pause pour déjeuner et on laisse tous les autres partir bien loin devant histoire d’être un peu tranquilles. Et là ça devient magique. On marche enfin seuls au milieu de la pampa avec en toile de fond les montagnes qui semblent reculer au fur et à mesure que l’on avance. L’herbe est jaune et haute, le vent joue avec elle comme dans un tableau de Van Gogh. On se croirait seuls au milieu de cette immensité et s’il faisait un peu plus chaud l’envie pourrait nous prendre de courir nus dans la brise à en perdre la raison et de se fondre, là maintenant, dans cette terre pour disparaître à tout jamais du monde dit civilisé. Mais déjà on se rend compte que la pampa est habitée, d’abord d’un troupeau de chevaux qui se repose par paires têtes bêches pour se protéger du vent, puis d’un rapace perché sur une bute dont la présence nous indique celle invisible de petits rongeurs cachés dans les foins. Je suis aux anges, on n’a pas encore approché les montagnes que déjà je bois comme du petit lait ces moments de bonheur présents et à venir que je peux partager avec ma belle.

Emilie elle justement trouve que son sac commence à peser et que les montagnes feraient bien de se rapprocher quand même un peu parce qu’à ce rythme là on y sera encore à la nuit. Je ne lui dit pas que d’après les deux cartes contradictoires que j’ai le chemin que nous suivons ne semble pas aller dans la bonne direction. Puisqu’il est balisé et que c’est le seul dans ce secteur du parc c’est forcément le bon, mais ça laisse présager bien du plaisir en ce qui concerne la qualité et la fiabilité de la cartographie du coin. L’IGN m’a donné de mauvaises habitudes dont une certaine exigence en la matière. Et puis à force de persévérence on arrive enfin au pied des sommets, le long d’un lac à l’eau trouble mais d’un bleu presque turquoise. Au dessus de nous le condor qui tourbillonait tout à l’heure dans le ciel a laissé la place aux nuages déchirés par les pics de granit rose et de roche noire qui ont prêté leur nom au parc. On fait une dernière pause pour bien profiter de ces images et on se laisse surprendre par le courant d’air qui tout d’un coup est devenu doux et chaud. Puis de leurs premières blessures les nuages laissent couler une petite bruine que le vent nous jette au visage dans des rafales qui nous font forcer le pas. On arrive au campement avant la nuit et pour le prix d’une nuit d’hôtel on peut monter notre tente sous la pluie, prendre une douche chaude et manger dans une cuisine abritée dans laquelle on croise toute la faune de backpackers que l’on a pris l’habitude d’éviter. Je repère tout de suite les deux minuscules tentes sans double toit qui sont l’assurance d’une longue nuit humide et pauvre en sommeil et je pleind d’avance leurs malheureux occupants.

Le lendemain matin ça ne manque pas, on assiste aux engueulades polyglotes des deux couples en question. Pour notre part la nuit a été relativement reposante malgrés le vent qui a continué à forcir et le crachin incessant. La journée s’annonce rude, les cartes n’ont pas d’échelle et malgrés une distance et un temps de marche annoncés pour chaque chemin, il est difficile de savoir à quoi ils correspondent par rapport à notre rythme. Ce coup-ci on part à l’ouest, face au vent et à la pluie. Je laisse mon surpantalon imperméable à Emilie pour qu’elle puisse marcher en tête, ce qui nous permet d’aller à son rythme et je la relaie quand les bourrasques se font trop fortes. On fait une bien piètre horde à nous deux et les pauses se multiplient. Par deux fois on pense atteindre un point de vue qui domine le lac gris sur notre gauche, offrant un panorama sur le glacier qui l’alimente en eau et apporte la poussière de roche qui lui donne cette couleur, mais pour l’instant seule la montagne toute noire qui nous domine sur la droite nous rappelle la grandeur du lieu. Tout le reste n’est que pluie, rafales, bosquets pliés et secoués. On entend à peine l’orage tonner dans les hauteurs.

Ca y est, on aperçoit le lac avec un énorme bloc de glace bleue qui flotte dessus, mon pantalon est trempé. Il y a quelque chose de surnaturel dans cette couleur vive au milieu de tout cet environnement gris. On continue, courbés dans le flux aérien qui nous enveloppe tout entiers et on arrive à un col qui canalise la force du vent au point que les impacts sur les joues des quelques gouttes de pluie qui subsistent deviennent douloureux. Mon pantalon a séché sans que les nuages n’aient laissé percer le moindre rayon de soleil et c’est les yeux mi-clos qu’on découvre là-bas au loin le glacier qui dégueule dans le lac, emportant avec lui une île de roc jusqu’au bord de l’eau. La fin de la journée n’est plus qu’une course poursuite pour se rapprocher de ce front de glace qui nous attire tel un aimant et on avale les obstacles sans les remarquer. Et hop le ruisseau qui déborde de son berceau, et hop les descentes boueuses et hop les gros rochers. Une ultime pause dans une clairière au milieu des arbres gigantesques et on arrive au campement, bien abrité dans la forêt cette fois ci. A peine le temps de monter la tente et nous sommes déjà en route pour le bout de la pointe rocheuse face au mur de glace qui se dresse au dessus de l’eau. Le vent est toujours là, amplifiant l’ambiance rude de cet endroit où la glace se force un passage à travers la roche dans un mouvement immobile.

Le lendemain Emilie reste dormir un peu plus pour récupérer de la journée éprouvante à lutter contre les éléments et j’en profite pour continuer un peu le chemin jusqu’à dominer le glacier. Ce qui de face semblait lisse comme un champs de poudreuse n’est en fait qu’un océan déchainé de pics blancs et de crevasses dont la profondeur des bleus est proportionnelle à la leur. C’est immense, le glacier fait quelques kilomètres de large et au loin à une quinzaine de kilomètres on devine à peine le champs de glace dont il descend, ce fameux “campo de hielo sur” qui lui s’étend sur plus de trois cent kilomètres. Je comprend mieux maintenant l’affluence dans le parc, d’autant plus que je ne suis qu’à quatre cent mètres d’altitude et la marche qu’on a faite hier peut se faire en aller-retour dans la journée, si on emporte juste un petit sac avec un pique-nique. Nous on va tranquillement prendre la journée pour revenir au premier campement, la rando ne fait que commencer et il s’agit d’économiser nos forces. Emilie est tellement enthousiasmée par la beauté des lieux qu’elle prend même du plaisir à marcher, il faut dire que même si le ciel est couvert il ne pleut plus et avec le vent dans le dos c’est plus agréable.

Torres del paine (1/3)

Mercredi 9 avril 2008

Lors de notre passage à new york city Véro nous avait prévenus: “Si vous allez suffisament au sud ne manquez pas le parc national torres del paine, il est vraiment magnifique”. C’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, qui dit parc national dit randonnée et ça c’est pour moi, en plus c’est l’occasion rêvée de faire découvrir à Emilie les joies de la marche à pied qu’elle a un peu trop tendance à prendre pour du sport et donc de s’en méfier comme du côté obscur de la force: “Je suis ton père Luke” et tout ce qui va avec.
Comme je suis quelqu’un de prévoyant pour la randonnée on avait déjà profité de notre halte à new york city pour habiller un peu la miss, de celle à lima pour faire l’acquisition d’une paire de duvets et d’une tente et de celle à santiago pour compléter le tout avec un réchaud et une popote. J’avais même réussi au deuxième essai à acheter de vraies chaussures de marche à Emilie sous le prétexte de les lui offrir pour son anniversaire.
Comme je n’aime pas me lancer dans une randonnée sans avoir un peu testé mon matériel et connaître les capacitées de mes compagnons de marche on a profité de passer par ushuaïa pour faire une ballade avec un bon dénivelé et une randonnée un peu plus longue mais moins abrupte. Pour le matériel tout est nickel, je suis particulièrement content de la tente dont l’espace est très bien organisé. Le sac d’Emilie n’est pas ce qui se fait de mieux dans le domaine, sous prétexte de faire un sac “spécial fille” le fabricant a négligé les règles de base qui sont d’avoir un système de portage bien solidaire du sac, une répartition des volumes en hauteur le long du dos et surtout des réglages simples que l’on peut modifier régulièrement tout en marchant. Enfin bon, on ne va pas changer pour si peu un sac auquel elle tient et qui remplit son office depuis une dizaine d’années. Pour ma coéquipière je m’attendais à une meilleure capacité de portage mais dans l’ensemble il y a un bon potentiel à exploiter, on va donc commencer en douceur histoire de se mettre en condition.
Tout d’abord on se rend à puerto natales, la ville d’accès au parc remplie d’hôtels de passage et de boutiques spécialisées dans la location de matériel et l’organisation de sorties touristiques dans le parc. Comme on arrive la première semaine après la fin de la haute saison la ville est un peu vide, on sent qu’elle ne vit que pour et par le parc. Il n’y a rien à faire à part préparer son excursion et se reposer au retour. Pour réussir à faire vivre toute une ville il faut qu’il en draine du monde ce parc, et c’en est presque une industrie. Il y a trois compagnies qui affrettent chacune un bus par jour, deux en haute saison. Le trajet dure quatre heure sur une piste bien entretenue avec des travaux qui laissent présager de l’asphalte pour bientôt. A mi-chemin les bus font dix minute de pause dans une boutique de souvenirs, puis juste avant d’arriver une autre halte au bord d’un lac aux plages blanches de sel et à l’eau verte dans laquelle se reflètent les montagnes. On a peut être l’impression d’être en circuit organisé, c’est beau. Enfin, en arrivant dans le parc on passe à la caisse, presque le prix de quatre nuits d’hôtel, et on a droit à un petit speech pour nous expliquer les règles de base. Pas de feu et on ramène ses ordures avec soi ça me semble normal, on a toujours fait comme ça. Pas de bivouac en dehors des campements prévus je veux bien accepter étant donné le nombre de touristes c’est une mesure de protection qui semble nécessaire. Mais que les deux tiers des campements soient payants, qu’une partie du parc soit une estancia privée et que l’on n’ait pas le droit de sortir des sentiers balisés ça me donne vraiment l’impression de débarquer dans un parc d’attraction.

Il faut le voir pour le croire

Mercredi 2 avril 2008

L´ordinateur que j´utilise pour écrire cet article est équipé d´un rétroviseur qui permet de regarder la télé en même temps que l´ordinateur.